Le Museum des Sentiments est né d’une archéologie sensorielle intime, d’un besoin nécessaire de cartographier mes territoires émotionnels pour circonscrire ce qui, en moi, souvent échoue à se dire, les paysages flous de mon existence, les troubles, les résonances enfouies, les micro-séismes affectifs qui traversent mon corps chaque jour.
C’est un projet artistique explorant les liens poreux entre perception olfactive, mémoire affective et narration intime.
Ce projet s’est imposé comme une manière d’apprivoiser l’émotion brute, de l’objectiver sans la trahir, de la conserver avant qu’elle ne s’éteigne ou ne disparaisse.
J’ai imaginé un musée intérieur aux contours mouvants, structuré comme un labyrinthe énigmatique. Il compte aujourd’hui 150 espaces, chacun consacré à un sentiment, une émotion, un état d’âme ou un object affectif que j’ai souhaité honorer. On ne peut y circuler librement sans traverser l’ensemble. Ce n’est pas un lieu d’évitement mais de confrontation, d’exploration, utile et nécessaire. Certaines de ces émotions prennent corps à travers des odeurs évocatrices car mon nez capte avant que ma mémoire n’organise. Cela toujours me bouleverse bien que je ne puisse en dire tout à fait quelque chose.
D’autres émotions restent silencieuses, inodores. Je ressens les odeurs comme des fils conducteurs addictifs menant à des paysages intérieurs, des sensations physiques et mentales immensément riches . Elles permettent l’accès à mes émotions sans filtre, sans intellectualisation et de manière presque obsessionnelle . Elles convoquent, brutalement ou tendrement, ce que le langage refoule, nie parfois.
Linceul – Collage sur Lin – Texte Alice Miller – Création originale ©Nathalie Saint-Oyant 2025
Museum des sentiments – Création originale ©Nathalie Saint-Oyant 2025
PLAN GÉNÉRAL IMAGINÉ COMME UN LABYRINTHE – Impression sur toile (400x183cm)
Chacune des 150 salles du Museum honore un sentiment, une émotion, un état d’âme ou un object affectif. On ne peut y circuler librement sans traverser l’ensemble.
Ce Museum met en lumière l’extraordinaire richesse des sentiments humains.
Tableau périodiques des sentiments – Création originale – ©Nathalie Saint-Oyant 2025
Impression sur toile (213 x 169 cm)
Inspiré par la table de Mendeleïev, le Tableau périodique des sentiments se présente comme un référenciel universel des états émotionnels humains. Il présente 100 sentiments essentiels, disposés en colonnes comme autant de familles, allant des plus lumineux aux plus sombres, de l’Amour (1 AnDOSVE) à l’Anéantissement (100 ++C-DS).
Chaque sentiment est doté d’un numéro d’ordre et associé à des messagers chimiques clé, révélant les résonances subtiles entre la chimie du corps et la cartographie intime de nos émotions.
Ce tableau est une interprétation poétique d’une réalité biologique sans avoir la prétention d’être un document scientifique. Il a pour seule vocation de dévoiler comment les tempêtes ou les élans du cœur trouvent leur écho dans la matière vivante.
Pour cartographier cette matière émotionnelle, je fais souvent des montages d’images que je détourne, assemble, fragmente, superpose, recompose. J’opère une chirurgie symbolique : je questionne la sémantique, je bricole des identités chimériques, parfois monstrueuses, parfois désincarnées, qui deviennent les témoins de mes émotions.
Je ne me mets pas en scène. Mon visage n’apparaît jamais. Mais ce museum est un autoportrait dissimulé, une tentative de dire ce qui me traverse, sans m’exhiber. Il y a dans ce projet une pudeur, et en même temps, une volonté d’être, de témoigner, de transmettre. Je ne cherche pas à provoquer mais à semer le trouble, convoquer une résonance, un frottement, une porosité entre mon monde intérieur et celui de mes spectateurs.
Le Museum des Sentiments s’inscrit dans une époque où les émotions sont devenues des « émoticônes » qui peuplent nos écrans, là où le langage affectif semble compressé, standardisé, vidé de sa complexité. Je m’interroge : que reste-t-il de nos émotions dans un monde désincarné, numérique ? Sont-elles remplaçables, programmables, oubliées ?
Je veux faire de ce projet un espace de résistance poétique, un endroit où l’émotion est encore précieuse, sacré, lente, singulière, complexe, difficile à nommer. Un museum qui honore ce qui ne se voit pas mais se sent et se ressent. Tout comme les odeurs, les émotions ne sont pas tangibles mais incarnent nos vérités.
Je tente ici de créer un langage sensoriel des émotions, une sorte de lexique sans définition, fait d’associations libres, d’accidents, de textures, de traces. Ce n’est pas une œuvre figée. C’est un processus évolutif, mouvant, instable, comme mon monde intérieur. Il est traversé par l’intime, la solitude, l’obsession, le manque, mais aussi par une volonté de réparation, de mémoire, de réconciliation avec ce que je n’ai pas su dire autrement.